ASP Pro dénonce les souffrances aggravées à La Poste

Au début de janvier 2014, une factrice du Lot s’est suicidée en se rendant à son travail ; le 31 du même mois, la presse annonce le cas d’une cadre de Coliposte à Noisy-le-Grand. Quelques jours auparavant, l’ensemble de la presse, à la suite d’un document publié sur le site Bakchich, s’était fait l’écho d’un rapport de l’inspection du travail mettant en cause la Poste après le suicide, en février 2013, d’un cadre de la direction de la communication.

Ces drames, ou leurs derniers rebondissements confirment que les cas de suicide d’employés et de cadres de la Poste se poursuivent malgré un prétendu «?grand dialogue?» instauré par la direction de l’entreprise, en fait une opération de communication censée apporter une réponse à une première vague de suicides et redorer une image écornée dans l’opinion publique.

Il reste que, les mêmes causes produisant les mêmes effets, après France Télécom, la souffrance au travail des employés de la Poste perdure et alimente la rubrique des faits divers tragiques, et ce malgré les multiples alertes des syndicats et malgré l’alerte collective des médecins de prévention en 2010 à l’adresse du président de La Poste.

Du service public à l’entreprise néolibérale

En effet, malgré des changements majeurs imposés en interne depuis le début des années 1990, l’opinion a longtemps conservé l’image d’une entité désuète et sympathique, mais efficace et proche des gens. Pourtant, depuis 1991, l’ancienne administration des PTT a été séparée en deux entreprises publiques, la Poste et France Télécom, transformées ensuite en sociétés anonymes.

Bien avant le changement de statut survenu il y a quatre ans, l’entreprise postale, outre la multiplication de ses filiales de droit privé, a vu l’introduction d’une «?culture?» et de méthodes managériales qui l’ont profondément modifiée, tandis que le personnel était géré sous plusieurs statuts (anciens fonctionnaires, contractuels de droit privé en CDI et précaires) et connaissait une explosion de la précarité.

L’ancienne administration des PTT était le second employeur de France, après l’Education nationale, et un bastion syndical avec de fortes et anciennes traditions de lutte, comme la longue grève de l’automne 1974. Pour les contourner et normaliser l’entreprise, La Poste et France télécom sont  devenus les laboratoires du démantèlement des services publics et de l’application des méthodes de management dans les administrations et les anciennes entreprises publiques. On peut  mesurer les répercussions désastreuses de cette politique de rentabilité et le gâchis humain qui s’ensuit.

Des suicides et tentatives qui se multiplient

Comme  toutes les entreprises confrontées aux suicides, La Poste est dans le déni total face aux suicides et tentatives de suicides des postiers et postières; seuls les cas médiatisés peuvent avoir une chance de voir une reconnaissance en accident du travail, comme M C, cadre du siège qui s’est suicidé à 51 ans.

En mars avril 2012, un cadre sup de la Poste se jetait du 5eme étage à Rennes pendant son travail, un autre cadre en arrêt est allé se pendre sur son lieu de travail: ces actes ont été médiatisés, mais rien sur les multiples suicides de postiers et postières, notamment facteurs et factrices qui passent à l’acte de manière désespérée.

De nombreux suicides et tentatives de suicides sont recensés à la Poste et leur nombre s’accroit, comme s’accroit aussi le nombre de pathologies de souffrance, d’anxiété, de dépression Mais la reconnaissance en accident du travail  ou en maladie professionnelle est un véritable parcours du combattant dans la fonction publique et à la Poste en particulier. La Poste met tout en œuvre pour éviter ces reconnaissances, même quand le postier laisse un courrier dénonçant sa situation délétère, même quand il se suicide sur son lieu de travail.

La Poste, comme les autres entreprises, utilise le leitmotiv de la faiblesse des agents, et de leurs problèmes personnels, ce qui est ressenti comme scandaleux par tous ceux qui les connaissaient et qui ont pu voir leur détresse augmenter au fil du temps. Elle utilise un management de quasi « terreur », qui monte les uns contre les autres, qui multiplie les réorganisations sous couvert notamment de la baisse du courrier.

La jurisprudence de la cour de cassation est claire :  «L’employeur est tenu, à l’égard de son personnel, d’une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs ; qu’il lui est interdit, dans l’exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés». Mais La Poste s’affranchit de cette responsabilité. ça passe ou ça casse !

Les postiers ont perdu de facto leurs repères, ne savent plus à quoi ils servent, ils ont vu piétiner la notion de service public, et encaisser la rentabilité et la productivité à tout prix, les emplois volent en éclat, plus de 90000 emplois supprimés en 10 ans.

la mise en place récente d’une cellule d’écoute n’est qu’une mascarade de La Poste pour prétendre qu’elle met les moyens face à cette détresse, la réalité est toute autre: les postiers sont et seront de plus en plus en souffrance, les suicides et les tentatives de suicides se multiplient, avec comme cible notamment l’ensemble des postiers ayant dépassé la cinquantaine, et pour qui la Poste s’est totalement transformée en machine à productivité en faisant fi de l’humain.

L’association ASD-Pro est saisie par de nombreuses victimes ou ayants droits de victimes et à ouvert plusieurs dossiers de reconnaissance à La Poste.