Une réforme des retraites qui s’attaque aussi au système de réparation des accidents du travail et maladies professionnelles :

Il est une disposition contenue dans le projet de réforme des retraites gouvernemental qui fait peu de bruits dans les médias mais aussi dans les manifestations.

Il s’agit de transférer une partie des cotisations patronales à la branche ATMP de la sécurité sociale vers la branche retraite pour « combler » le reste du déficit soi- disant « attendu ». Autrement dit de diminuer les ressources consacrées à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles

Le projet gouvernemental part de deux postulats :

Le premier, contesté par pratiquement tout le monde y compris par le fameux COR, affirme que le financement des retraites est en danger et que la seule solution est d’allonger la durée des cotisations donc la durée du travail en repoussant l’âge de la retraite et en allongeant à nouveau le nombre d’années nécessaires pour une pension à taux plein (certains députés de la majorité – MODEM- suggèrent aussi d’augmenter la durée hebdomadaire du travail en passant à 35,5h).

Le second est que pour ce gouvernement il est hors de question de solliciter les entreprises et encore moins de « faire payer les riches ».

Donc pour le président de la république, la « justice et la responsabilité » dont il se fait le laudateur, consiste à faire payer les salariés et les retraités pour une réforme qui ne se justifie pas pour financer les retraites mais qui doit rapporter de l’argent pour financer les multiples politiques qui depuis son élection ont permis de multiplier par 3 les profits des entreprises du CAC40. Il s’attaque en plus à l’un des piliers de la santé au travail, à savoir le système de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui fut historiquement la première conquête sociale des travailleurs au 19ème siècle

De quoi s’agit-il ?

Selon les calculs du gouvernement, sa réforme doit permettre de rapporter 17,7 milliards d’euros à l’horizon 2030.

Cela vise selon lui à combler le déficit soi-disant attendu de 13,5 milliards d’euros mais aussi à « dégager une marge de manœuvre » de 4,2 milliards d’euros pour financer une partie des mesures d’accompagnement, estimées à 4,8 milliards d’euros (départs en retraite anticipés, prise en compte de la pénibilité, carrières longues, ou encore pensions à 1 200 euros pour les carrières complètes autour du Smic).

Il manque donc 600 millions d’euros !!!!

Et comme il est impensable « d’augmenter le cout du travail » (postulat N°2), ils ont eu la bonne idée d’aller piocher dans la caisse qui sert à réparer les dégâts causés par le travail !

C’est ainsi qu’Élisabeth Borne le 10 janvier présente son projet de réforme des retraites?en souhaitant que « chacun prenne sa part, nous demanderons aux employeurs une contribution supplémentaire pour le financement de la retraite. Mais nous refusons qu’elle augmente le coût du travail. C’est pourquoi nous baisserons, symétriquement, la cotisation des employeurs au régime des accidents du travail et des maladies professionnelles, qui est très excédentaire.?»

Une « contribution » qui ne leur coûtera donc pas un centime !

Un transfert de l’ordre de 0,1% soit 800 millions d’euros.

Cette caisse ATMP, qui n’est financée que par les cotisations patronales, est actuellement largement excédentaire : Normal vu le nombre ahurissant de sous déclaration, et de sous reconnaissance par la sécurité sociale, des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Ces sous déclarations et sous reconnaissances conduisent la branche maladie à prendre en charge une partie de ces atteintes à la santé liées au travail. Ces charges indues sont évaluées par la cour des comptes à plus de 2,1 milliards d’euros en 2021.

Or pour compenser ces sous déclarations la caisse ATMP ne reversera à la branche maladie que 1,2 milliards en 2023 :  un manque à gagner de plus de 900 millions à la charge des cotisations des salariés principalement.

Encore faut-il savoir que l’estimation de 2,1 milliards ne tient pas compte des pathologies psychiques liées au travail (estimées à plus de 300 millions en 2021), et sous évalue également très largement la part des cancers attribuables au travail que le réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles (RNVP3) de l’ANSES estime être 3 à 4 fois supérieur à l’estimation de la cour des comptes.

C’est donc certainement plus de 4 milliards d’euros qui sont pris en charge par la branche maladie ! ce ne sont donc pas les 1,2 milliards reversés par la caisse ATMP qui vont alléger la charge supportée principalement par les cotisations des salariés.

Ainsi donc, ce gouvernement :

  • Favorise, de par ses atteintes successives au droit du travail, la sous déclaration des accidents du travail (sous-traitance, auto-entreprenariat, délégations de services publics, libéralisation et mise en concurrence donc intensification du travail, suppression des CHSCT etc…)
  • Refuse l’élargissement des tableaux des maladies professionnelles (notamment les pathologies psychiques)
  • Restreint les critères de reconnaissances ATMP par la sécurité sociale (la définition des AT date de 1898), et aujourd’hui la sécu ne procède quasiment plus à des enquêtes physiques, même en cas de mort au travail. En 2020, il y a eu 87 7054 AT et MP reconnus sur 1 249 972 déclarés.
  • Fait peser sur les salariés au travers de leurs cotisations sociales, une partie des conséquences des dégâts sanitaires et sociaux provoqués par les entreprises.
  • Accroit de ce fait le déficit de la branche maladie de la sécurité sociale
  • Refuse toujours la réparation intégrale des préjudices en cas d’ATMP (la réparation est toujours forfaitaire, environ la moitié du préjudice en cas d’incapacité permanente)
  • Refuse d’augmenter les cotisations patronales, maladie et ATMP
  • Mais refuse aussi de faire combler intégralement par la caisse ATMP les charges supportées par la branche maladie (seulement 1,2 milliards sur plus de 4 milliards, alors que cette caisse prévoit un excédent de plus de 3 milliards en 2023)
  • Et maintenant pour satisfaire sa réforme des retraites il va piocher dans cet excédent qui ne devrait pas exister si cette caisse prenait vraiment en charge la totalité des ATMP !

C’est encore une fois les salariés, et cette fois-ci les victimes et victimes potentielles du travail, qui vont payer la note d’une réforme qui n’a comme seul objectif de financer les « aides » patronales (il est désormais établi que la politique du « quoi qu’il en coûte » a largement plus bénéficié aux entreprises qu’aux salariés, et c’est cette réforme des retraites qui doit permettre maintenant de récupérer ces sommes faramineuses). D’autres rappellent aussi, à juste titre, que cette réforme vise à répondre aux exigences européennes qui prévoient notamment le respect de critères de choix économiques (part du volet social du PIB).

Mais ce n’est pas tout :

Tout le monde sait que ce recul de l’âge du départ en retraite aura comme conséquence une usure accrue avec la probabilité d’accroissement du nombre des accidents du travail et particulièrement de leur gravité. On sait qu’avec l’âge le taux de gravité augmente, le nombre d’incapacités aussi… et donc les couts de la réparation augmenteront.

Ce recul de l’âge de la retraite augmentera aussi le nombre de pathologies et donc de maladies professionnelles par l’accroissement de la durée d’exposition (maladies psychiques, cancers, et surtout TMS).

Au-delà de cette multiplication des atteintes à la santé, dont les atteintes psychiques ne seront pas les moindres, cela entrainera une augmentation des dépenses de santé qui, si les choses demeurent dans l’état cité plus haut, conduira encore plus à accroitre le déficit de la branche maladie de la sécurité sociale.

Car personne n’est dupe, les quelques mesures annoncées en matière de pénibilité seront évidemment loin de répondre aux enjeux. En soulignant sur ce point, que cette réforme remet aussi en cause le principe même de la « pénibilité » puisque pour bénéficier d’un départ anticipé lié à la pénibilité du travail, il ne faudra pas « seulement » avoir été exposé à de la pénibilité, il faudra aussi « prouver » en souffrir, donc en être déjà malade, usé-e, en invalidité…

Réforme des retraites : La grande arnaque

NOTA: en réalité les 17,7 milliards attendus à l’horizon 2030 seront le résultat des cotisations salariées et patronales (40% et 60%).

mais n’oublions pas que les cotisations “patronales” ne sortent pas de la poche des employeurs mais sont le fruit du travail des salariés: elles en constituent leur salaire différé, et donc font partie intégrante de leur salaire comme l’ensemble de toutes les cotisations salariales et “patronales”; elles ne sont pas une “charge” mais un salaire différé pour les salariés. On comprend donc pourquoi les employeurs, gouvernement et médias parlent de “charges”.. qui constituent un “poids” qui “pèse” sur la compétitivité (entendre les profits)…. une charge est une contrainte, une cotisation est une solidarité!

les cotisations patronales à la branche ATMP sont donc aussi une part du salaire différé des travailleurs (celui qu’ils toucheront si ils sont victimes d’AT ou de MP).