Marcel Brocart nous a quittés

Marcel est décédé des suites d’une longue maladie ce 27 mars 2021.

Il avait rejoint notre association dès sa création en 2007. Il fut l’un des précurseurs des luttes pour la reconnaissance des affections psychiques en maladie professionnelle.

Un militant syndical, discriminé, placardisé et très actif…

Marcel est né le 2 février 1944 à Peille. Ajusteur fraiseur, il adhère à la jeunesse communiste en 1960 et devient membre de son bureau fédéral en 1965. Militant CGT, chez Alsthom puis à partir de 1966, à EDF à l’usine à Gaz de Nice, il devient secrétaire de la section syndicale CGT. Il assure la vice-présidence de la Caisse d’Activités Sociales  d’EDF de Nice et il est membre de la commission exécutive de l’Union Départementale CGT.

A la fermeture de l’usine à Gaz, fin 1977, Marcel œuvre pied à pied pour que chaque salarié soit reclassé au sein d’EDF. Cela lui vaut une animosité déclarée de la part des Directions. Lorsque son tour viendra d’être réaffecté, il subit une succession de mutations d’office dans des postes sans aucun rapport avec ses qualifications. Isolé dans des locaux insalubres, placardisé, relégué dans des postes de niveau inférieurs avec baisse de rémunération, interdiction de lui parler…

…. malgré une souffrance indéniable

Cette errance professionnelle durera plus de 10 ans. Durant ces années, pas moins de 27 fiches de visite annuelles de la médecine du travail mettent en évidence des conditions de travail inadaptées et dangereuses pour sa santé et sa sécurité, au centre de distribution EDF/GDF de Nice. Cette mise au placard, après une période aussi longue de non-respect de ses droits et un processus de dégradation de ses conditions de travail, provoque des chocs émotionnels en réaction qui entraînent de nombreux arrêts maladie. L’agression verbale de sa hiérarchie en 1993 sera l’ultime événement qui l’empêche définitivement de revenir au travail.

S’enchaine alors la spirale bien connue : mise en longue maladie, mise en invalidité, mise à la retraite d’office en 2000.

Marcel ne plonge pas dans la victimisation : il se bat et dénonce le harcèlement moral stratégique…

Il devient l’un des précurseurs de la lutte contre les discriminations et pour la reconnaissance des pathologies psychiques en lien avec le travail.

Dès 1988, il alerte, il écrit aux parlementaires, aux ministres, il mobilise son syndicat, l’inspection du travail, les médias… Il ne lutte pas uniquement sur son cas personnel, qui ne lui sert que d’illustration. Il veut montrer comment des Directions d’entreprises se comportent pour éliminer ceux qui dérangent. Dans ce combat, il aide encore de nombreux salariés victimes elles aussi de ces managements délétères

Ses multiples actions contribuent sans conteste à la publication, en 2002, de la Loi sur le harcèlement moral au travail.

Mais 2002 n’est pas 2020 : Marcel est débouté aux Prud’hommes. A l’époque, les juges recherchent le « pervers narcissique », alors que harcèlement et discrimination (et ses atteintes à la santé) sont le résultat d’un harcèlement stratégique, notion que le procès France Télécom mettra à jour… en 2019.

… et entre dans l’arène des reconnaissances en maladies professionnelles et de la FIE.

Son combat ne s’arrête pas aux Prud’hommes.

Conscient que les atteintes à sa santé psychique et physique sont bien le résultat de ce harcèlement (moral et discriminatoire. Le 10 mars 2007, il demande la reconnaissance de sa maladie en maladie professionnelle. Après un premier refus de la caisse, puis saisine de la CRA, la CPAM accorde la reconnaissance de la maladie professionnelle. A cette époque le nombre de maladies psychiques reconnues en maladie professionnelle ne dépasse pas 20 par an en France.

C’est sans compter avec l’acharnement d’EDF, qui va jusqu’en cassation pour s’opposer vainement à cette reconnaissance, acquise définitivement en 2012, après cinq années de luttes.

En 2014, il engage alors un nouveau combat : faire reconnaitre la Faute Inexcusable d’EDF !

Après un passage obligé par la CNIEG (organisme interne d’EDF qui, dans sa lignée du déni de l’entreprise, rejette cette demande), il saisit le tribunal judiciaire. Ce combat, il n’en verra hélas pas la fin : le procès est prévu au cours de cette année 2021.

Une souffrance professionnelle mais aussi militante

Si la souffrance de Marcel trouve son origine dans la maltraitance infligée par son employeur (EDF), il ne trouve pas toujours, au sein de son syndicat, tout le soutien que son combat mérite. Cela contribue aussi, sans nul doute, à accroitre cette souffrance.

Comme lui, d’autres militants syndicaux (quelque soit l’organisation syndicale) qui se retrouvent en situation d’abandon par leurs structures syndicales, nous sollicitent. Si, comme lui, certains trouvent quelquefois un soutien individuel de camarades, c’est très rarement la structure syndicale (syndicat, fédération, union professionnelle …) qui s’engage concrètement auprès des victimes pour faire reconnaitre leur souffrance au titre des ATMP. Au mieux, elle mène un combat contre les « discriminations », sans s’attaquer à la maltraitance psychique ; au pire elle se laisse entrainer sur le terrain des « raisons personnelles », de la psychologisation ou des démarches QVT, devenant ainsi complice, malgré elle, de cette maltraitance.

La défection de ces soutiens n’a jamais découragé Marcel : sa conscience de classe était bien trop élevée pour abandonner ce combat qu’il aura mené jusqu’au bout. C’est au sein de sa famille, auprès de certains de ses camarades syndicalistes et auprès de notre association qu’il a trouvé l’appui pour résister encore et encore.

Au sein de notre association, Marcel était notre veilleur. Toujours attentif à l’actualité, il nous transmettait des informations sur la publication de nouveaux rapports, nous invitait à engager des actions sur telle ou telle problématique nouvelle.

Mais surtout c’est sa détermination, son engagement personnel, son refus de « baisser les bras » qui servaient d’exemple à tous.

Marcel avait une véritable conscience de classe qu’il s’efforçait de transmettre à tout le monde, avec  toute l’énergie qui le caractérisait.

Merci à toi Marcel.