De dérives en dérapages : Quand les administrations passent du déni à la maltraitance.

Comme nous l’indiquons à propos des suicides (voir le lien) les administrations de la fonction publique ont élaboré diverses stratégies visant à nier tout rapport entre les atteintes psychiques et le travail.
C’est ce que nous avons appelé l‘organisation du déni.

Les stratégies du déni

  • Rechercher la faute personnelle
  • Contester le temps et le lieu de l’accident
  • Attribuer l’évènement à des « causes personnelles »
  • Aller chercher dans le psychisme de la victime des éléments de prédisposition ou de fragilité.
  • Ne pas appliquer rigoureusement les textes sur le fonctionnement des commissions de réforme
  • S’appuyer sur l’avis de médecins agréés ne possédant aucune compétence en santé au travail, notamment en matière de risques psychosociaux
  • Persister à ne pas appliquer la jurisprudence en continuant d’exiger l’exclusivité du lien avec le travail
  • Ecarter le CHSCT par de pseudos groupes de travail,
  • Diligenter des « expertises » qui n’investiguent surtout pas le travail mais uniquement la « personnalité », le « profil psychologique », les « fragilités personnelles » etc…
  • contester les demandes d’expertises ou d’enquêtes administratives,
  • accuser le CHSCT et ses membres de vouloir faire de la « récupération », imposer une « omerta » justifiée par le « respect de la mémoire » de la victime,
  • refuser la transmission de l’enquête de l’inspection du travail lorsqu’une telle enquête a été faite
  • Multiplier tous les recours juridiques possibles pour décourager les ayants droits
  • Organiser le silence et l’invisibilité sur le nombre d’accidents du travail liés aux RPS.

Mais ces stratégies ne se développent pas seulement à propos des suicides, elles se déploient pour toute atteinte à la santé psychique survenue en lien avec le travail.
Ce déni se pratique dans toute la fonction publique (d’Etat, hospitalière et territoriale) et se voit mis en œuvre à tous les échelons de l’administration.

Or il se trouve que certaines administrations non contentes de l’appliquer avec zèle, s’enfoncent encore plus dans le déni en y rajoutant des comportements que notre association qualifie de « dérapages ». Passant alors d’une stratégie de déni à une véritable maltraitance.

Le but n’est plus seulement de nier, d’occulter, d’instrumentaliser, voir de mentir ; il s’agit là d’organiser une seconde phase du déni des conséquences pour la santé engendrés par les facteurs organisationnels et relationnels, en s’attaquant à ceux qui auraient l’outrecuidance de demander réparation au titre des ATMP, et à ceux qui les soutiennent pour dénoncer l’organisation du déni, s’y opposer, ou résister.
Car pour que ce déni fonctionne, il faut qu’il soit déployé à tous les niveaux, et que chacun s’y soumette. Gare donc à ceux qui résistent et s’y opposent!
Nous assistons alors à la mise en œuvre d’une véritable maltraitance institutionnelle organisée de haut en bas des hiérarchies.
Elle vise tout fonctionnaire quel que soit son grade, les syndicalistes, les lanceurs d’alerte, qui d’une manière ou d’une autre manifesteront une quelconque résistance.

Cette maltraitance prendra plusieurs formes selon les cas, elle se traduit notamment par :

  • Des pratiques managériales délibérées impliquant la désorganisation du lien social touchant le fonctionnaire, portant atteinte à la dignité qui a pour objet de dégrader ses conditions de travail afin qu’il « renonce » de quelque manière que ce soit, y compris en tombant malade.
  • Un harcèlement qui vise à exclure et placardiser la personne sous des prétextes futiles : âge, l’état de santé, le niveau de formation, qui ne correspondent plus aux nécessités de service, suppression de poste, de service, transfert d’activité, sous traitance, placardisation, etc…
  • Des techniques punitives mettant le fonctionnaire en situation de justification constante :
    • notes systématiques (jusqu’à plusieurs par jour),
    • utilisation de lettre recommandée avec accusé de réception,
    • menaces de procédure disciplinaire montée de toutes pièces,
    • heures supplémentaires non validées et non compensées,
    • vacances imposées ou non accordées au dernier moment,
    • « entretients d’évaluation » conçus pour évaluer la motivation mais pas le travail (C’est un management par objectifs qui “autorise” la sanction ou la récompense et qui banalise, de ce fait, la souffrance psychique liée à ce déni du travail que de telles évaluations supposent).
  • La fixation d’objectifs irréalistes et irréalisables entretenant une situation d’échec, un épuisement professionnel et en émettant des critiques systématiques.
  • L’utilisation de la « notation » comme outil du management de la discorde et du conflit, dont l’objectif est de rompre les solidarités professionnelles ou d’exclure ou sanctionner les « récalcitrants ».

Ces mécanismes sont de véritables techniques altérant le rapport du sujet au réel du travail et dont le but ultime est la désaffiliation du collectif de travail, l’humiliation, le renoncement, l’exclusion.

Ils se conjuguent parfois avec des pratiques administratives telles que :

  • Le placement d’office en retraite, en disponibilité
  • Le refus systématique d’imputabilité au service des atteintes à la santé qui découlent de ces méthodes
  • L’envoie devant des « experts » qui vont « expertiser le psychisme » pour dire que c’est le fonctionnaire qui a des problèmes psychiques,  ou qui s’en créé lui même.
  • Le refus d’appliquer l’obligation légale des règles de protections des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions (en cas de menaces, injures, agressions)
  • La baisse des revenus (perte de primes, diminution de salaire , …)

Cela se traduit aussi par des opérations d’intimidation, de déstabilisation, de placardisation ; ou le mensonge, la falsification, le dénigrement public, la menace, sont utilisés sans vergogne.

De fait, les administrations ont déjà depuis des années adoptées les critères de gestion et les modes de management mis en place au sein des grands groupes industriels et qui provoquent tous les dégâts en terme de santé psychique dont notre association est le témoin (à titre d’exemple le « Lean management dans les hôpitaux, les « évaluations » ..).

Chez les unes comme chez les autres, l’organisation du déni peut conduire à des dérives, voire des dérapages.

Car face à ce déni, chaque victime voulant faire reconnaître ses droits à réparation, chaque syndicaliste dénonçant ces atteintes à la santé et aidant les victimes dans leurs démarches, chaque lanceur d’alerte ; deviennent alors des menaces pour l’organisation (administration ou entreprises publiques ou grand groupe). Des menaces qu’il convient à tout prix de réduire à néant !

La première stratégie qui vise à nier que l’organisation est délétère pour la santé mentale, est d’empêcher ou dissuader les victimes ou les ayants droits d’engager une procédure AT MP, un déni qui ne concerne pas que les employeurs :

  • Ne pas déclarer les accidents du travail (obligation légale de l’employeur)
  • Ne pas informer les salariés « victimes », de leurs droits à réparation (obligation déontologique de tous les médecins)
  • Empêcher que les médecins établissent des certificats médicaux faisant le lien santé-travail  (grâce à une stratégie conjointe du MEDEF et du conseil de l’ordre des médecins).
  • Multiplier et complexifier les démarches administratives de déclaration ATMP (comité médical, commission de réforme, expertises, contre expertise etc…)

Ce schéma nous le constatons partout, dans toutes les entreprises et les administrations (qui se proclament, par ailleurs, toutes « exemplaires » dans la prévention des RPS !) Dès lors qu’un accident psychique ou un suicide se produit.
C’est un peu comme si il existait un véritable vadémécum méthodologique à l’image de celui qu’un grand groupe industriel de la chimie a rédigé à l’intention de ses filiales, pour s’opposer ou entraver la reconnaissance des maladies professionnelles de l’amiante : on peut notamment y lire ce conseil mis en gras dans le texte: « il n’y a ici aucun état d’âme à avoir vis à vis du salarié » (voir le lien)
Conseil qui a fait des émules dans toutes les entreprises et les administrations, et qui est désormais suivi à la lettre pour ce qui concerne aussi les RPS

Une fois dépassés tous ces obstacles, si les victimes ou ayants droits franchissent le pas et s’engagent dans les actions et procédures visant à la reconnaissance de leur souffrance professionnelle, alors elles deviennent des menaces concrètes qu’il faut empêcher d’agir, empêcher d’obtenir gain de cause, et surtout empêcher de socialiser et faire connaître leur combat.

Car les victimes représentent alors un « danger » pour l’organisation.

Et pour empêcher que leurs démarches dévoilent les responsabilités de ces organisations et leurs effets délétères sur le plan de la santé, une seconde phase du déni, moins visible car plus ou moins discrète, va se développer : elle a pour but de faire passer les victimes à l’état de coupables ou de responsables elles-mêmes de leur situation et de leur souffrance, voir de les désigner dangereux pour le milieu professionnel ou la « communauté ».

Cette seconde étape du déni, secrètement réfléchie, est souvent le fruit de conseillers juridiques qui rendent “légitimes” des pratiques parfaitement illégales. Comme exiger un « lien direct et unique » ; construire une « autre réalité » à partir de témoignages obtenus sous la contrainte que permet le lien de subordination et la peur de représailles, communiquer des auditions policières à l’employeur,  caviarder des rapports d’inspection du travail, diffamer, propager des rumeurs, etc … L’asphyxie financière par la baisse des revenus, la judiciarisation contrainte et le recours à des contre expertises étant souvent l’ultime moyen d’obtenir le renoncement des victimes.

Elle s’appuie aussi sur le rôle que l’on va faire jouer à certains « experts » médicaux, ainsi que sur le travail de scientifiques, experts et cabinets de « consultants » produisant des théories permettant de parler du travail en occultant le travail “réel”, celui qui produit les dégâts sur la santé psychique.

Toutes ces méthodes, ces pratiques insidieuses, ces expertises manipulées, visent en fait à rendre légitime une organisation illégitime selon le code du travail car délétère pour la santé.

Ainsi, tant que la victime reste victime, “tout va bien”… C’est lorsque la victime revendique la reconnaissance du mal que le travail lui fait, que s’ajoute à  l’occultation organisationnelle  que produit le management, une organisation du déni présentée comme « système de défense » d’un employeur qui s’autoproclame par ailleurs  exemplaire en matière de prévention des RPS .

C’est à partir de là, selon les enjeux posés et le degré d’isolement de la victime, que dérives et dérapages s’ajoutent au déni pour devenir une réelle maltraitance sociale et humaine.

 

Voici 4 exemples emblématiques de ces situations parmi toutes celles, nombreuses, que notre association a eu à connaître.

Philippe V est inspecteur des finances. Affectés en tant que trésorier dans une perception du sud de la France en 2003, il y découvrira un retard important de 6 années qu’il mettra à coeur de rattraper malgré un effectif limité à deux agents et lui-même. Il alertera sa hiérarchie dès 2004 sur la surcharge de travail et les difficultés qu’ils rencontraient pour remplir au mieux la tâche qui lui était fixée.
En avril 2006, épuisé, surmené, il subira une crise d’anxiété majeure qui conduira a trois hospitalisations successives pour lesquelles les médecins constaterons palpitations, vertiges, sueurs, sensation de mort imminente présentant un tableau d’anxiété majeure en lien avec un « surmenage professionnel et mal être par rapport au travail ». Dans l’ignorance de ses droits, Philippe ne fera aucune demande d’imputabilité au travail de ses arrêts de travail. Son administration non plus.
Quelques temps après son retour au travail, en mai 2007 il est victime d’une agression physique sur son lieu de travail par une contribuable, qui sera suivie d’une nouvelle agression de la part de l’époux de celle ci, avec insultes et menaces.
L’administration ne déclare pas ces agressions en accident du travail, et ne s’associera pas à la plainte pénale déposée par Philippe (malgré le témoignage du maire de la commune) et l’obligation réglementaire de le faire dans ces cas précis.
Dès lors, les manifestations d’une souffrance psychique extrême se développerons s’accompagnants de pathologie physiques, d’hypertension, d’apnée du sommeil et cervicalgies … toutes ces pathologies sont connues pour leur origine psychosomatiques, mais Philippe l’ignore encore à ce stade. Il ignore que ces somatisations inquiétantes découlent des réponses – ou plutôt des non réponses – de son administration aux problèmes qu’il rencontre dans l’exercice de ses fonctions et responsabilités.
En janvier 2011 on lui affecte la gestion d’une autre trésorerie en plus de la sienne. Refusant d’en gérer deux, il est alors nommé dans la seconde mais de bien mauvaises « surprises » l’attendent :

  • alors que sa direction lui avait parlé d’une équipe « au top », il découvre une fois sur place que la plupart veulent partir, que l’ambiance est très mauvaise notamment du fait de la fermeture programmée de cette trésorerie…

Par ailleurs, il découvre une organisation tout à fait différente de celle à laquelle sa direction l’a soumis durant 10 ans dans son poste précédent, et ce, malgré ses nombreuses alertes… il découvre, de fait, que l’administration l’a laissé travailler dans des conditions délétères durant tout ce temps… ces découvertes déclenchent des douleurs d’une telle violence qu’il devra être évacué par le SAMU et hospitalisé à peine arrivé…
De fait, il découvre que le travail qu’il faisait seul dans la précédente trésorerie doit en fait être réalisé par trois personnes selon les directives du ministère ; il comprends alors les causes réelles de son épuisement et des symptômes de burn out . C’est cette découverte qui provoque chez lui un choc traumatique tel qu’il nécessite l’intervention du SAMU et son hospitalisation.

Les conditions de travail se dégradant au rythme des départs ; ses manifestations de douleurs physiques s’amplifient, il subira des interventions pour plusieurs troubles musculo-squelettiques dont la survenue est caractéristique d’un stress intense.
En juin 2013, épuisé psychiquement et physiquement alors qu’il reprend le travail, il apprend la fermeture de la trésorerie dont il est responsable et il pensera que l’administration a profité de ses problèmes de santé pour accélérer cette fermeture. Il apprend également sa rétrogradation professionnelle puisqu’il est affecté comme chargé de mission…. Sorte de mise au placard ! A son arrivée il est accueilli par son chef de la façon suivante : « J’ai vu la direction. Tu fais partie des quatre agents à problème dans le département… ». Il attendra deux semaines avant d’avoir un bureau et un ordinateur !
C’est à partir de là qu’il prendra conscience que l’ensemble de ses troubles somatiques et son état de stress et de dépression sont liés, et ont pour origine le travail. Jusque là personne, aucun médecins (et il en a vu des dizaines) ne lui a conseillé d’engager des procédures de reconnaissance.

Malgré ses alertes et un état de santé fragilisé connu de la hiérarchie des 2006, en dix ans sur ce département, Ph.V  ne sera jamais convoqué par sa hiérarchie en médecine du travail , au mépris de tous les textes en vigueur … !

C’est qu’en 2015 que son médecin traitant l’incitera à obtenir la reconnaissance en maladie professionnelle de ses différents troubles.
Dès ce moment d’autres ennuis vont apparaitre. Jusque là, en étant un responsable de trésorerie « inconsciemment gênant » (parce qu’il réclamait de bonnes conditions de travail pour bien faire son travail…) il n’était pas considéré « dangereux ». Mais dès lors qu’il demande réparation, il devient une menace pour cette administration coupable depuis longtemps de malveillances à son égard.
Comme nous le disons plus haut: tant que la victime reste victime… « tout va bien » pour l ‘administration. Mais quand la victime demande réparation, alors la maltraitance s’organise à un second niveau.
Trois ans de procédures, non encore terminées, et pas moins de 10 expertises !
Dix expertise toutes contradictoires les unes avec les autres, mais avec une caractéristique commune : aucune n’a investigué le travail réel et concret de Philippe et seulement deux d’entres elles établissent un lien direct et certain entre ses différentes pathologies et son travail et approuvent le reconnaissance l’une en maladie hors tableau (mais « hélas » avec un taux d’IPP inférieur à 25% ce qui fait dire à l’expert que cette reconnaissance est impossible, ce qui est faux car dans la fonction publique le « seuil » des 25% n’existe pas ; l’autre en maladie contractée en service et donc sans rente d’invalidité) !
Evidement l’administration s’appuie sur les expertises qui réfutent le lien avec le travail pour refuser l’imputabilité et la reconnaissance de la Maladie professionnelle.
Avec en parallèlement un renforcement de la mise à l’écart professionnel accompagné de la propagation de rumeurs diffamatoires consistant à dire que Philippe présenterait des « risques » pour ses collègues.
Le tribunal administratif doit se prononcer prochainement… mais le comble tient dans l’argument développé par l’administration. Elle réfute l’imputabilité en reprenant les conclusions du dernier expert, à savoir que ce dont souffre Philippe est un « trouble de l’adaptation du sujet à son travail… » (ce qui est assez cocasse de la part d’un expert qui ne connaît rien au travail et qui le dit lui-même n’étant pas allé chercher le courrier recommandé de Philippe qui lui expliquait justement ses contraintes de travail)!
Ainsi donc, pour l’administration et grâce à ce psychiatre dont elle reprends le diagnostic psychique sans y réfléchir, si Philippe est en souffrance et qu’il a développé toutes ces pathologies physiques et psychiques c’est parce qu’il est incapable de s’adapter à son travail !!!!
Et dire que, naïfs que nous sommes, nous pensions que l’article L4121-2 alinéa 4 du code du travail stipulait au contraire qu’il fallait adapter le travail à l’Homme, et que cela constitue un des principes de prévention que l’employeur à l’obligation de mettre en œuvre, en plus de son obligation de résultat en matière de santé !


 

Françoise N était employée au ministère des affaires étrangères. Elle en poste à Cotonou au Bénin en 2010 lorsqu’elle est victime d’une agression physique : coups et strangulation sur son lieu de travail à l’ambassade de France, par une collègue Béninoise. Des photos témoignent de la violence inouïe de cette agression.
L’unique témoin de la scène d’agression fut licencié peu après et n’a jamais été auditionné ; il n’y eut ni enquête administrative, ni enquête judiciaire. Dans un télégramme diplomatique, l’ambassadeur de France l’accusa d’être responsable de l’agression.
Françoise, responsable financière à l’ambassade, avait auparavant mis a jour des malversations financières impliquant cette collègue qui était par ailleurs très liée à un haut dirigeant du Benin.
Voici ce qu’elle écrit en 2016 à la DRH du ministère :
«  en 2009 j’ai été lanceur d’alerte au sein de votre administration, au sens où l’entend le conseil de l’Europe, en signalant en interne de graves dysfonctionnements que je constatais dans le cadre de ma relation de travail. Peu avant ces signalements, j’avais été l’objet de manœuvres et de diffamations grossières visant à m’écarter de l’ambassade à l’initiative de l’ambassadeur … c’est dans ces circonstances que des avocats furent saisis pour entreprendre les démarches judiciaires ad’hoc et que par la suite ils furent informés des violences et menaces à mon encontre, dont un projet de viol commandité qu’aurait évoqué en réunion M… selon plusieurs témoignages concordants. Trois mois plus tard j’étais victime d’une agression par surprise alors que j’étais aphone et donc dans l’impossibilité d’appeler à l’aide. Je dois d’avoir survécue à une strangulation à l’intervention d’un agent d’entretien. Il n’y eut pas d’enquête, l’agent d’entretien fut licencié…. Pour moi ce fut un brutal rapatriement disciplinaire, accusée par l’ambassadeur d’être l’auteur de l’agression »
A son retour en France elle est mutée d’office à Nantes.
Son agression fut reconnue en accident de service, mais ses ennuis continuèrent.
En effet, cette transformation d’une agression subie en « faute disciplinaire » ajoutée à ces rumeurs, diffamations, calomnies qui se poursuivaient, s’amplifièrent dès lors qu’elle continua à dénoncer un « système de détournement des crédit d’Etat » par le biais d’un « système de facturations occultes ». En 2018, elle fut pour cela reconnue comme « lanceur d’alerte » par le défenseur des droits.
 
Bien que l’agression fut qualifiée de « tentative de meurtre » par le TGI de Nantes, sa plainte pénale bénéficia d’un non lieu, le quai d’Orsay opposant la « raison d’Etat » ! C’est ainsi qu’elle passa du statut de victime à celui d’agresseur.
Pire même, puisque sa hiérarchie déposa plainte en diffamation contre elle, l’accusant de complotisme : cette plainte est d’ailleurs considérée tellement farfelue par le TGI de Paris qu’il l’a rejetée sans même l’examiner au fond en 2017, mais les 3000 euros de frais de justice restant à sa charge. Elle aurait sans aucun doute pu obtenir la condamnation de l’administration pour diffamation ou dénonciation calomnieuse ; mais l’asphyxie financière est aussi une stratégie visant à obtenir le renoncement.
Placardisée à Nantes dans un poste ne correspondant pas à ses compétences. Son état de santé se dégrada rapidement, un stress post traumatique au long court se développa suite à son agression, amplifié par les accusations dont elle continuait à être victime et par une placardisation professionnelle. Elle fut arrêté à de nombreuses reprises et hospitalisée. En 2016, ces symptomatologies furent reconnus « en lien direct, certains et exclusifs » avec son accident de service (agression) de 2010.
 
Toutefois cette reconnaissance ne convenant pas au ministère, il dépêcha une contre expertise aux fins de se débarrasser définitivement de Françoise, Il alla donc chercher un expert connu au ministère pour ce genre de « mission ».
Au bout de dix minutes d’entretient, il rédigea un rapport de six pages, évidemment bourré d’erreurs, d’oubli et de contre vérité, où il conclut à la nécessité d’une mise en retraite d’office. La commission de réforme lui emboita le pas, l’administration aussi.

Aujourd’hui Françoise vit avec une retraite de 650 euros par mois et 20.000 euros de dettes, conséquences des multiples recours juridiques auxquels elle a été contrainte.


 

Sophie une jeune femme de 23 ans se suicide au sein de l’établissement de formation des sapeurs pompiers professionnels où elle suivait son stage de titularisation.

L’histoire de ce drame et son lien avec l’exercice de son « travail de stagiaire » est développé dans la monographie que notre association a réalisée (suivre le lien).
Cette histoire révèle l’organisation du déni à laquelle se sont livrés l’administration territoriale et la préfecture, elle a consisté d’abord à rechercher la faute personnelle. Ensuite éviter la présomption d’imputabilité en allant par exemple consulter le cadastre pour prouver que l’arbre auquel s’était pendue Sophie se trouvait à 1 mètre hors de le propriété du SDIS, ou que qu’elle ne portait pas son uniforme quand elle s’est suicidée !!!.
Puis refuser parallèlement l’expertise demandée à l’unanimité par le CHSCT.
Enfin diligenter une expertise « post mortem », pour mettre l’accent sur le psychisme de Sophie et espérer ainsi détourner définitivement l’attention des facteurs organisationnels et de la réalité traumatisante des événements, et s’appuyer sur cette « expertise » en commission de réforme pour refuser l’imputabilité
Cela correspond à ce que plus haut nous avons nommé les stratégies de déni ou « l’occultation organisationnelle » c’est à dire le déploiement par des moyens d’ordre administratifs , d’une stratégie visant à nier tout rapport entre le travail et le suicide, en exonérant ainsi l’administration de toute responsabilité.
Mais les choses ne s’arrêtent pas là, car la famille porte plainte au pénal, elle exige la tenue d’une commission de réforme refusée initialement, elle s’apprête à saisir le tribunal administratif suite au refus d’imputabilité de l’administration. Le CHSCT saisi le tribunal pour exiger l’ouverture d’une enquête administrative, puis se voit contraint de saisir la CADA pour obliger l’administration de communiquer le rapport de l’inspection du travail …
Alors l’administration territoriale s’enfonce encore plus dans le déni et déploie parallèlement d’autres moyens:
– Elle sollicite le médecin traitant de Sophie pour tenter d’obtenir des informations.
– Elle fourni à l’expert chargé de l’expertise « post mortem » les comptes rendus des auditions de gendarmerie (lequel ne rendra son rapport qu’au vu de ces seuls éléments dont ne disposent ni la famille à l’origine de la plainte, ni les syndicats pourtant mobilisés)
– Elle supprime des passages entiers du rapport de l’inspection du travail que la CADA l’a obligé à communiquer au CHSCT.
– Elle sollicite et fait pression sur les membres de l’encadrement pour qu’ils fournissent des éléments à charge sur les « attitudes inadaptées» de Sophie.
Et pour compléter le tableau : elle menace de porter plainte en diffamation contre le syndicat CGT très impliqué depuis l’annonce du suicide et qui mobilise le personnel très « remonté » contre une direction loin d’être exemplaire; et par un sous entendu qui prend la forme de la menace le préfet prévient que réclamer la reconnaissance en accident du travail «  obligerait à sortir des éléments qui, pour la famille, pourraient être terribles à connaître».

Faute de pouvoir s’en prendre à la victime, et sans précaution pour sa mémoire, l’administration n’hésite donc pas à déployer tous les moyens, y compris illégaux, pour empêcher de mettre à jour les causes réelle, organisationnelles et managériales, du suicide de Sophie.


 

Anthony G., militant syndical dans un grand groupe industriel, fait partie des « victimes collatérales » que provoquent parfois les suicides en lien avec le travail.

C’est le cas dans cette histoire où il se retrouve en garde à vue après avoir été arrêté par la gendarmerie dans l’usine, menotté et ainsi promené au sein de l’atelier et devant le personnel médusé…
Qu’avait-il donc fait pour mériter tout cela ?
Il lui est reproché, dans le cadre de la négociation sur les salaires, d’avoir utilisé des éléments salariaux obtenus selon la direction de manière « illégale ». Une plainte pénale sera déposée contre lui par l’ensemble des cadres dirigeants (d’où son arrestation sur le lieu de travail) et une procédure de licenciement est engagée à son égard.
La  ficelle est tellement grosse que l’inspection du travail, puis le ministre du travail refuseront ce licenciement au motif que « la rédaction et la diffusion d’un tract mettant en cause des pratiques dans l’entreprise relèvent de la liberté d’expression syndicale et s’inscrivent dans l’exercice du mandat et ne peuvent être retenus à la charge du salarié » et que d’autre part « l’existence d’un lien entre le mandat et la mesure de licenciement n’a pas pu être mis en évidence »
Car la vraie « faute » d’Anthony est à chercher ailleurs… En effet : ce qui est insupportable pour la direction de l’usine, c’est qu’il est le seul témoin qui accepte de témoigner sur la responsabilité de l’entreprise dans le suicide d’une collègue. Il faut donc « à tout prix » discréditer ce témoignage en discréditant le témoin.
Dans cette très grande entreprise, le mal-être au travail fait légion : l’ensemble des cadres de la production était réuni régulièrement le midi, entre midi et deux, à l’heure du repas, pour faire un point sur la production, et les méthodes étaient si malveillantes et brutales que ces cadres pourtant chargés de lourdes responsabilités, y allaient à reculons, certains disant même qu’ils y allaient « pistolet sur la tempe »… Parmi ces cadres malmenés, une seule femme.
Humiliée publiquement dans ces réunions du midi, elle a tenté de tenir le coup, mais les exigences managériales ne lui ont pas permis de garder son poste : il lui fut retiré brutalement, puis elle fut totalement placardisée.
Dans cette merveilleuse ambiance de travail, les syndicats, dont celui d’Anthony, alertent tous collectivement des risques psychosociaux dans l’usine, et jusqu’à la direction du groupe.
Souhaitant sortir de cette situation absurde, cette cadre postule à un poste qui l’intéresse pour poursuivre sa carrière. Son courrier ne donnera lieu à aucune convocation pour examiner sa candidature et elle apprendra par affichage qu’un autre candidat a été retenu.
C’est une goutte d’eau de trop, on est début octobre, elle doit normalement se présenter pour son évaluation individuelle réalisée par son chef. Ce qu’elle ne peut envisager, elle se suicide ce matin là à domicile au lieu de partir au travail.
Quand le suicide de cette collègue est annoncé, l’usine se met en grève immédiatement, durant 3 jours, et le personnel manifeste dans les rues de la ville. Du jamais vu.
La famille déposera une plainte au pénal ; elle sera classée sans suite… contrairement à celle déposée par les cadres et la direction à l’encontre d’Anthony !
Par ailleurs, la direction du groupe limoge immédiatement le directeur et son adjoint (qui sera, par la suite, licencié).
Pourtant, la DRH donnera tout de suite le ton : ce suicide n’a rien à voir avec le travail…
Comme on le constate partout en de telles situations, les directions emploient tous les moyens pour échapper à cette évidence : elles écrivent une  autre histoire fondée notamment sur de soi-disant « problèmes personnels », et mettent des bâtons dans les roues de cette procédure judiciaire lourde et pénible pour la famille endeuillée.
Malgré cela le TASS donne raison à la famille qui engage dans la foulée une demande de FIE (Faute Inexcusable de l’Employeur) étant donné que l’employeur « savait mais n’a rien fait ».
Pour ce grand groupe industriel et pour cette usine, il est hors de question d’être condamné à la FIE qui ferait très mauvais effet pour une entreprise qui s’autoproclame « championne de la prévention des RPS ».
Pour prouver qu’elle ignoraient tout de la souffrance de cette cadre rétrogradée (malgré le courrier qu’elle leur a adressé…), l’entreprise décide de plaider sur le fait que certes elle savait qu’il y avait de la souffrance dans cette usine (difficile de dire le contraire!), mais qu’elle ne savait pas de façon précise et individuelle que cette personne-là souffrait ! 
Or, Anthony peut témoigner de l’inverse : il était présent lorsque la situation de cette femme a été évoquée clairement à la DRH dans ces fameuses « commissions RPS » mises en place pour éviter de parler du sujet en CHSCT…
Dès lors Anthony, déjà considéré comme un syndicaliste  gênant pour l’entreprise, devient un homme à mettre  hors d’état de nuire au management, il faut faire en sorte que son témoignage ne puisse être pris au sérieux par les juges du TASS. Il convient donc de discréditer sa parole, le meilleur moyen étant alors de discréditer l’homme lui-même en l’accusant d’être un « voyou ».
C’est dans ce contexte qu’une accusation sans fondement, suivie d’une demande de licenciement pour faute grave est savamment orchestrée par la direction…