Les risques psychosociaux révélateurs d’une éthique patronale inexistante

Les risques psychosociaux, révélateurs d’une éthique patronale inexistante


L’association ASD-PRO, association d’aide aux victimes ou aux organisations confrontées aux suicides et dépressions professionnelles, a appris par voie de presse (NR du 29 octobre) que la direction d’Edf conteste toujours l’avis de la Cpam d’Indre et Loire suite au suicide de D.Peuteuvinck, agent de la centrale nucléaire de Chinon.
Ainsi, malgré l’avis renouvelé de la Cpam par une seconde caisse régionale qui a également reconnu que ce suicide était en lien avec le travail de cet agent, Edf continue de s’acharner depuis 6 ans pour voir sa responsabilité écartée. Ainsi, prétextant de vices de procédures, Edf continue d’affirmer, seul contre tous, que l’agent avait des « problèmes personnels », renvoyant dans la sphère privée les problèmes d’organisation du travail, notamment la surcharge chronique auquel certains salariés sont soumis, comme ce fut le cas pour M. Peuteuvinck.

Cette stratégie patronale d’évitement de ses responsabilités indique notamment clairement que les employeurs, Edf en tête, aimeraient que soit revue la notion même de secret médical qui l’empêche encore trop souvent d’imputer à l’histoire personnelle de ces victimes, ce qui relève du travail devenu insupportable. Ainsi Edf appuie son procès sur le fait que le médecin du travail n’ait pas accepté de mettre à sa disposition le dossier médical de l’agent concerné. Cette attitude du médecin, loin d’être condamnable, nous paraît relever d’une éthique médicale au cœur des enjeux de la réforme de la médecine du travail que les employeurs voudraient transformer en médecine d’entreprise.

Parallèlement à cette affaire, dans cette même logique, ASD-PRO se félicite du blâme qui vient d’être prononcé par le conseil de l’ordre des médecins contre le Dr Palazzi. Notre association, puis le syndicat des professionnels de santé au travail SNPST, avait dénoncé l’usage des « autopsies psychiques » dans les problématiques de suicides en lien supposé avec le travail. L’autopsie psychique ne vise aucunement à comprendre ce lien, puisqu’il s’agit de décortiquer la posture psychique d’une victime afin d’y lire les pseudos raisons personnelles d’en finir avec la vie. Là il s’agit moins de renvoyer à la sphère privée qu’à la personnalité de la victime, les motivations ayant poussé au suicide. Mais, cela revient au même pour l’employeur qui cherche à éviter que soit remis en cause les conditions de travail faites à ses salariés. C’est ainsi que Renault, dans sa plaidoirie, n’a pas hésité à utiliser cette expertise très controversée par les pairs (les autopsies psychiques ne peuvent pas se réaliser dans ce cadre).

Edf, Renault, France Télécom,… toutes ces entreprises qui régulièrement font entendre parler d’elles, mais d’autres aussi (le groupe Thalès, Sodexo,…), restent dans un déni qui seul explique ces stratégies visant à se dégager de toute responsabilité s’agissant des effets du travail sur la santé mentale des salariés.

Cet acharnement sur ceux qui sont atteints dans leur santé conduit aussi à les priver de leurs droits médicaux légaux alors que le patronat possède une assurance ATMP pour cela.
Toutes ces entreprises usent ainsi des mêmes procédés de contestation ; procédés déjà utilisés lors des multiples procès intentés par les victimes de l’amiante. La démarche est la même : refus d’assumer ses responsabilités, refus de modifier les organisations et les processus du travail pathogènes, s’acharner sur les victimes en les rendant seules responsables de leur mal ; en fin de compte continuer à pouvoir faire du profit sur la santé des salariés.
Dans ce sens, les risques psychosociaux révèlent bien là l’absence d’éthique patronale au cœur de bien des questions de souffrance au travail. Absence d’éthique à laquelle se rallient parfois certains professionnels qu’il est normal de voir alors condamnés aussi.

Fait à Chinon, le 9 novembre 2010.

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