La majorité parlementaire refuse la reconnaissance des pathologies psychiques professionnelles

L’impasse du burn out ;

Pour la seconde fois, notre association a été auditionnée par une commission de l’assemblée nationale sur la question du « burn out ».

La première était à l’occasion d’une « mission d’information » confiée à G.Sebaoun, sur le « burn out » en juillet 2016 (lien sur le site)

Et la seconde ce début d’année 2018 à l’occasion d’une proposition de Loi déposée par le groupe de la France Insoumise « sur le burn-out et visant à faire reconnaître comme maladies professionnelles les pathologies psychiques résultant de l’épuisement professionnel ». Rapporteur F.Ruffin (lien)

La première initiative a donné lieu à un rapport qui donne à la lecture une impression de « non fini », en effet, après 100 pages (lien), le lecteur reste sur sa faim… ce rapport tente en vain de définir le syndrome d’épuisement professionnel ! Et pour cause : le burn out n’est pas une maladie mais un ensemble de symptômes de souffrance psychiques. Toutefois ce rapport recommande la création d’un tableau de maladies psychiques liées au travail ainsi que l’abaissement du critère des 25% d’IPP pour les pathologies hors tableau. Il recommande par ailleurs le statut de salarié protégé pour les infirmier.e.s du travail.

Mais jusqu’à présent, rien de tout ça.

La seconde initiative tente d’aller un peu plus loin, avec non pas une mission d’information, mais le dépôt d’une « proposition de Loi » qui vise à la création d’un tableau comportant 3 pathologies : l’anxiété généralisée, la dépression et le stress post traumatique ; qui sont les trois pathologies recommandées par le Conseil d’Orientation sur les Conditions de Travail auprès des Comités Régionaux de Reconnaissance des Maladies Professionnelles pour les pathologies psychiques hors tableau.

Cette proposition, comme nous l’avions déjà évoquée, correspond à celle que nous avions proposée lors de la mission d’information du député Sebaoun. Et nous nous en réjouissions. Toutefois, nous avions alerté le rapporteur lors de cette seconde audition sur l’utilisation du terme de burn out dans l’intitulé du tableau ainsi que dans le rapport de présentation, qui pouvait permettre aux adversaires de cette initiative de détourner la question. Notamment en renvoyant à l’individu sa capacité à gérer lui-même son « stress ».

Les débats ont, comme nous nous y attendions, éludés la question des pathologies psychiques, et donc leurs causes professionnelles, pour n’aborder que le problème du « burn out », c’est à dire les symptômes ressentis : un « entre deux » qui dit la douleur sans permettre la prévention professionnelle ni la réparation puisque la pathologie n’est pas nommée.

L’utilisation de ce terme permet ainsi d’éviter de parler des déterminants des organisations pathogènes du travail et d’un management ancré dans le déni des conséquences psychiques de ces organisations.(lien compte rendu des débats)

C’est exactement ce à quoi nous avons assisté de la part de ceux qui n’ont aucun intérêt, bien au contraire, à voir reconnues les pathologies psychiques professionnelles.

Ce déni que nous rencontrons quotidiennement dans les entreprises, c’est le même que celui que l’on a pu constater chez les députés de la majorité parlementaire ce jeudi 1er février.

Le « burn out », vient aujourd’hui remplacer le « harcèlement » dans le vocabulaire de tout ceux qui ne veulent pas nommer les choses par leur vrai nom. Il est d’ailleurs significatif que lors de ce débat parlementaire ce terme a été utilisé 123 fois, c’est à dire une fois par minute. Alors que les mots de « dépression », « anxiété », « stress post traumatique » n’ont été utilisés que 5 fois dont 3 fois par le rapporteur qui a bien tenté de recadrer le débat sur les 3 pathologies, mais c’était trop tard, la machine « burn out » (terme choisi pour favoriser le consensus le plus large) était lancée dès le départ. Significatif aussi ; ni la ministre du travail, ni celle de la santé, n’ont participés au débat, seul le ministre des relations avec le parlement, prévenu la veille, représentait le gouvernement.

Ce détournement et cet enkystement du débat ouvrent la porte à tout l’inventaire des arguments possibles pour écarter la présomption d’imputabilité que créerait un tel tableau : la « multi-factorialité » (ce qui est pourtant le cas des toutes les pathologies actuellement reconnues, sauf le mésothéliome et la silicose) ; des « fragilité personnelle » etc…

C’est à dire toute la panoplie des arguments du MEDEF, que connaît bien notre association lorsque nous agissons pour la reconnaissance des Accidents et maladies professionnelles.

Le « burn out » est devenu un « marché » qui fait vivre des dizaines d’associations, de coaching, de psychothérapeutes, de formation en gestion du stress.. etc.. qui jamais ne parlent ni de reconnaissance en maladie professionnelle, ni de causalité du travail faisant ainsi obstacle à la prévention primaire. Certains d’entre eux « déconseillent » même aux victimes de se battre pour une reconnaissance de leur souffrance. Ils prennent en charge les symptômes des malades, mais ils ne traitent pas de la causalité sociale et professionnelle des questions de santé au travail, faisant ainsi obstacle à la guérison de ceux qui ne peuvent être acteurs, de ce fait, de leur destinée.

Notre association ne nie pas l’existence du « burn-out », il donne à voir la souffrance mais ne permet ni de la  reconnaître en accident du travail ou maladie professionnelle, ni la discussion sur le travail, ni la prévention.

On ne peut pas créer un tableau sur le « burn out » comme on ne créé pas non plus un tableau sur le « mal de tête ». En revanche, on créé un tableau sur les pathologies psychiques professionnelles permettant la reconnaissance de la dépression professionnelle, de l’anxiété généralisée et du stress post traumatique car ces trois pathologies peuvent très bien faire suite à d’autres symptômes qu’un épuisement professionnel ou un « burn out ».

Le mettre en avant, comme on l’a vu lors de ce débat, nous confirme bien qu’il constitue un obstacle à la prévention et à la reconnaissance des pathologies psychiques engendrées par le travail.

C’est ce que notre association dénonce depuis le début de cette campagne orchestrée par ceux là même qui créent ou instrumentalisent la souffrance mentale au travail et par ceux qui en vivent… parler de burn out est une manière habile pour ceux-là d’éviter cette reconnaissance attendue de la souffrance professionnelle à un moment où l’opinion publique commençait à découvrir, au gré des suicides, l’ampleur des dégâts qu’occasionne le travail dans tous les secteurs d’activité, comme en témoignent les derniers chiffres publiés par la CNAMTS sur les AT et MP d’origine psychosociale.

Visiblement la majorité parlementaire a emboîté le pas à cet évitement, laissant cette flagrante injustice perdurer.